Gran Torino : un film sur l'Amérique en crise : lecture géographique

Publié le par François Arnal


Gran Torino est un film sur l'Amérique des années 2000.


A Détroit les usines qui fabriquaient la Gran Torino cett automobile mythique de Starsky et Hutch sont en crise. La société elle aussi traverse la crise. Les banlieues pavillonnaires sont désertées par les classes moyennes blanches et remplacées par les minorités ethniques. Dans ce film ce ne sont pas les noirs et les hispaniques mais les asiatiques et plus particulièrement les Hmongs qui nous sont présentés.

Les Hmong sont un peuple d'Asie, originaire des régions montagneuses du sud de la Chine au nord du Viêt Nam et du Laos. Ils sont aussi appelés les Miao ce qui signifie « riz cru » et désigne depuis longtemps des populations nomades peu intégrées. Les Hmong eux-mêmes emploient souvent la dénomination « montagnards ».  Associés aux militaires français lors de la guerre d'Indochine puis aux étatsuniens lors de la guerre du Vietnam, ils ont du fuir leurs montagnes et se sont réfugiés aux Etats Unis où on les retrouve dans le film de Clint Eastwood.
© Warner Bros. France

On estime cette communauté à environ 60 000 personnes. L'immigration Hmong aux États-Unis date des années 1970-1980. Après avoir d'abord trouvé refuge en Californie, notamment à Fresno, les Hmong se sont déplacés vers le Minnesota et d'autres régions du Middle-West, principalement pour des raisons économiques. Embauchés dans l'industrie autombile puis créant leurs propres entreprises dans les services, c'est une partie de la communauté en mal d'intégration qui est présentée dans le film à travers la question des gangs de quartiers tentant de recruter Thao le jeune voisin de Walt Kowalski (Clint Eastwood).


Retrouvez toutes les photos et les bandes annonces ci dessous.



"Gran Torino fonctionne à plein, un film souvent drôle et parfois très touchant, un mélange des genres casse gueule entre thriller vengeur et ode à l’acceptation de l’autre, en l’occurrence, un jeune asiatique que le vieil homme va finir par prendre sous son aile, se réinventant une nouvelle (vraie) famille".


© Warner Bros. France
Kowalski est un vétéran de la Guerre de Corée, les asiatiques il les connaît et leur attribue des noms racistes et les méprise. De la guerre il a conservé son fusil M1. Il a perdu sa femme catholique pratiquante et tue le temps en buvant de la bière à flot sortie de sa glacière à ses pieds. Devant lui la pelouse est encore entretenue mais ses voisins sont partis laissant le quartier aux population Hmongs. Les maisons se dégradent, les façades de bois ne sont plus repeintes et les nains de jardin disparaissent. Il est le dernier à planter la bannière étoilée au fronton de sa maison.

Le site des Cafés géographiques analyse le film sous l'angle de l'opposition entre le devant et le derrière de la maison.

« Si le bonheur est de cultiver son jardin, Eastwood, lui , y va à grands coups de bêche dans le front yard garden de l'inconscient collectif américain. Le jardin et la maison sont le point nodal de Gran Torino. On peut y voir un cheminement quasi magnétique : Eastwood acteur puis réalisateur n'a, en effet, pas son pareil pour se confronter cinématographiquement aux grands mythes américains. La crise économique et l'âge venant, il continue d'épouser, de frotter et de gratter l'identité américaine et ses fondations spatiales. Quittant les routes, après deux quasi road movies (Un monde parfait et La route de Madison) où il explorait l'imaginaire asphalté de l'Amérique rurale profonde, bifurquant des rues de ces deux derniers films plus urbains, banlieusards (Mystic river et Million Dollar Baby), Eastwood, semble ici garer voiture et caméra. Comme par effet de zoom se recentrer encore, sur la cellule de vie élémentaire de la société américaine : la maison. Cet ensemble maison/jardins/car alley, receptacle du vertige des grands espaces américains une fois la conquête de l'ouest achevée, Gran Torino y puise son énergie, celle des grands films ».

« La maison et surtout les jardins sont donc métaphores de l'Amérique. L'Amérique d'Eastwood célèbre, il faut le reconnaître, les « bons » migrants, ceux qui savent rester fidèles aux traditions tout en admirant l'Amérique, ceux qui travaillent de leurs mains, à l'image des bâtisseurs du pays et à l'opposé des « mauvais » migrants, ceux des gangs. Mais Eastwood ne tombe jamais complètement dans le manichéisme et Gran Torino critique également frontalement l'hypocrisie de l'Amérique blanche qui s'est perdue quelque part dans les villas exurbaines et les resorts pour personnes agées ».

D'après Bertrand Pleven
Les Cafés Géographiques


Vous pouvez retrouver les lieux de tournage sur Google Earth

Nous sommes loin des banlieues de Wisteria Lane, nous sommes dans la Rust Belt et non dans la Sun Belt. La scène dans laquelle une bande de jeunes afro américains provoque la jeune Sue, la sœur aînée de Thao montre ce paysage délaissé avec de grands vides, des carrefours surdimensionnés dans un pays qui consomme son espace et ses ressources.

Gran Torino est un film américain de Clint Eastwood, sorti en 2008.

Publié dans hgeofm

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